L’année du saumon
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- Le Canard Enchaîné du 02 janvier 2019
Plus de 10 000 tonnes de saumon fumé, c’est peu ou prou ce que les français ont englouti durant les fêtes. Un appétit gargantuesque qui fait de nous les premiers consommateurs de salmonidés en Europe, puisqu’on en avale – fumés, en pavés ou en sushis – au moins 100 000 tonnes par an. Rappelons que seule une part epsilonesque de ce saumon est pêchée en haute mer, l’essentiel de ce que l’on déguste nous étant fourgué par les champions du saumon d’élevage que sont la Norvège (66 % de nos importations) et l’Écosse (23%). Une denrée industrielle que nous payons chaque année un peu plus cher.
C’est le paradoxe du saumon !
Alors que la production s’industrialise à toute berzingue avec des cages géantes offshore contenant jusqu’à 1 million de bestiole, le prix du salmonidé d’élevage flambe : + 47 % en cinq ans.
Au Nasdaq Salmon Index, sa cotation au premier semestre 2018 a ainsi battu un nouveau record en bondissant de 23 % ! La faute à la Chine, dont les habitants raffolent tellement du saumon qu’ils sont prêts à supprimer ses droits de douane. Ajoutez-y le Chili, 2° producteur mondial qui a vu ses élevages attaqués par des microalgues toxiques dopées par le réchauffement climatique. Sans oublier les satanés poux de mer.
A force d’être serrées comme des sardines dans les fermes aquacoles (jusqu’à 30 kilos de saumon par mère cube), les pauvres bêtes sont infestées par ces parasites. En l’occurrence des Lepeophtheirus salmonis, qui leur épluchent la peau en moins de deux. Pour tenter de les débarrasser de leurs poux, les saumons sont régulièrement astreints à des bains antiparasitaires, et, comme cette trempette est un peu stressante, les fermiers ajoutent dans l’eau des gouttes d’anesthésiant avant de leur redonner un coup de fouet avec de la vitamine C, est arrivé cequi devait arriver : le Lepeophtheirus salmonis devient résistant aux produits anti-poux.
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- Faut-il chasser le saumon de nos assiettes ? (franceinfo)
France Télévisions a fait analyser par un laboratoire indépendant trois échantillons de saumon d’élevage provenant de Norvège, premier fournisseur de la France. Les résultats confirment la présence dans sa chair de substances peu recommandables : dioxines, polluants industriels, métaux lourds… Un cocktail de contaminants qui finit directement dans nos assiettes.
Des polluants très tenaces stockés par les poissons
Aucune filière n’est épargnée. Ainsi, sur les trois échantillons testés – un saumon frais acheté au détail, un saumon fumé de marque distributeur et un saumon fumé de grande marque estampillé bio -, le plus contaminé est… le saumon fumé bio, qui présente des concentrations près de deux fois supérieures aux deux autres échantillons sur les principaux contaminants. Les concentrations mesurées restent dans les limites fixées par la réglementation européenne en termes de résidus de substances indésirables, mais ne sont pas pour autant anodines.
Le cœur du problème est connu depuis longtemps, et se résume en trois lettres : POP, comme polluants organiques persistants. Ces composés chimiques, issus de l’activité industrielle, sont particulièrement nocifs car ils ont des durées de vie longues et perdurent en milieu naturel plusieurs années après le moment de la pollution. Ils ont en outre la propriété de s’accumuler le long de la chaîne alimentaire : les espèces carnivores absorbent et stockent les doses contenues dans les petits animaux dont elles se nourrissent.
Ces contaminants polluent tous nos aliments, mais les poissons sont particulièrement exposés, à cause des rejets qui polluent les océans et parce que leurs chairs – tissus graisseux en particulier – se prêtent bien au stockage de ces substances.
Dioxines, PCB et autres réjouissances
Les plus connus des POP sont les dioxines et les PCB. Régulés depuis les années 1980, ils continuent d’empoisonner notre environnement. Leurs méfaits sont multiples : ils peuvent perturber le système hormonal et immunitaire et sont aussi fortement suspectés d’être cancérigènes.
Pour mesurer le risque représenté par les contaminants, les autorités sanitaires ont établi un seuil d’exposition critique : c’est la dose hebdomadaire tolérable (DHT), autrement dit la dose pouvant être ingérée « sans risque notable pour la santé », en prenant en compte l’ensemble du régime alimentaire de la personne. Le problème, c’est que les réglementations établies pour ces contaminants ne suffisent pas à protéger les consommateurs : dans certains groupes de population, plus de la moitié des individus ont une exposition supérieure à la DHT, selon les chiffres de l’Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa) (en anglais).
Et les gros mangeurs de poisson sont en première ligne. Selon les analyses menées pour le compte de France Télévisions, pour un enfant de 30 kilos, deux portions de saumon de 200 grammes suffisent à atteindre 65% de la DHT. Elles représentent 32% de la DHT pour une femme.
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