UFC-QUE CHOISIR DU DOUBS - T.BELFORT

Breves / Notes

Goûte-moi cette couleur !

Il aura fallu qu’une association de consommateurs aille sonder les Français pour que les médias redécouvrent que nos fruits et légumes ont moins de goût qu’avant. Comme « Le Canard » l’a maintes fois raconté, l’industrie agroalimentaire et la grande distribution ont imposé aux agronomes des variétés tape-à-l’œil, parfaitement calibrées, à haut rendement, longue conservation, résistantes aux maladies, avec une peau bien épaisse pour tenir le coup pendant le transport… tout en se fichant comme d’une prune de leur goût et de leurs qualités nutritionnelles.

Il y a douze ans, les ingénieurs de l’institut national de recherche agroalimentaire (INRA) avaient fait officiellement leur mea culpa sur le sujet. Dans un rapport remis au ministère de l’Agriculture, ils avouaient : « La qualité nutritionnelle n’a été que rarement un critère de sélection direct, sauf pour contre-sélectionner des aspects défavorables ou des caractéristiques gustatives défavorables ».

Comprendre : durant des années la quantité de vitamines et autres antioxydants a été la dernière roue du carrosse. Itou pour le goût. Les fraises sauvages, par exemple, ont un pouvoir antioxydant trois fois plus élevé que leurs cousines cultivées sous serre de façon intensives. Quand à la tomate industrielle, elle a été affublée, dans les années 80, d’un gène qui a rallongé de trois semaines sa durée de vie après cueillette. sauf que ce gène « longue vie » dépouille au passage la tomate de ses arômes et lui donne une chair farineuse.

Non seulement la majorité de nos fruits et légumes a été génétiquement façonnée pour coller au cahier des charges de l’agroalimentaire et des grandes enseignes, mais presque toutes ces semences sont détenues par des multinationales de l’agrochimie. Le leader mondial des semences potagères n’est autre que Bayer-Monsanto, dont le portefeuille comprend 3000 variétés et 23 espèces. Avec son concurrent Syngenta, il possède 71% des semences de chou-fleur, 62% des tomates et 56% des poivrons commercialisés en Europe. Résultat : l’agrobusiness a imposé un nombre réduit de variétés mondialisées au goût uniformisé. alors qu’il existe en France 700 variétés de tomate, seulement une dizaine sont disponibles sur les étals. Et, pour masquer la perte d’arôme de ces modèles standardisés, les semenciers se sont trop souvent contentés d’augmenter génétiquement le taux de sucre.
Pour plus se sucrer ?

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Le Canard enchaîné – mercredi 21 août 2019

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