Linky • Les consommateurs financent bien le déploiement… et la surmarge d’Enedis !
Alors que de guerre lasse, on pensait que le sujet lié au coût du déploiement du compteur Linky n’avait plus vocation à faire l’actualité, l’article du Parisien consacré à ce financement a remis sur le devant de la scène un sujet douloureux pour les consommateurs… et a permis à Enedis de sortir la rengaine désormais éculée sur le fait que le Linky n’était pas financé par les consommateurs.
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Je constate qui plus est la célérité avec laquelle la Commission de régulation de l’énergie (CRE) et le gouvernement reprennent les arguments spécieux d’Enedis. Rétablissons la réalité des choses.
Le coût du déploiement du compteur Linky est estimé à 5,7 milliards d’euros par la Cour des comptes. Enedis, en mobilisant ses fonds propres et en ayant recours à l’emprunt paye depuis 2015 les frais liés au déploiement à grande échelle du compteur communiquant. MAIS, ces coûts seront d’une manière ou d’une autre répercutés dans le TURPE, qui correspond aux frais d’utilisation du réseau électrique payés par les consommateurs sur leurs factures d’électricité (bien qu’aucune ligne spécifique à ces frais ne soit indiquée). Et à partir de l’année prochaine, ces frais intégreront le TURPE.
Est-ce pour autant que ces 5,7 milliards d’euros constitueront un surcoût pour les consommateurs ? Pas nécessairement. En effet, Enedis est censé tirer profit du Linky pour diminuer ses coûts (notamment via la télérelève du compteur qui limite le déplacement de techniciens au domicile des consommateurs). Et comme les coûts supportés par Enedis sont répercutés sur le TURPE, alors cette baisse devrait compenser le coût du Linky, pour finalement être neutre pour les consommateurs.
Est-ce pour autant que ce joli schéma sera effectif ? Rien ne l’assure. En effet, bien que la CRE pérore que « les économies associées au déploiement du compteur Linky compensent les coûts d’investissement du projet », elle manque tout de même d’accompagner son propos des données économiques précises, permettant, en toute transparence, d’étayer les mots par les chiffres. Par ailleurs, si comme cela n’est pas contestable, ENEDIS réalise des économies grâce au Linky, mais que cela n’entraîne aucune baisse de sa rémunération payée via les factures, ça veut bien dire que c’est le consommateur qui paie. Les propos autour de la gratuité, ou tendant à dire que le compteur « ne coutera rien » aux consommateurs sont donc clairement mensongers.
En tout état de cause, un mal – sur lequel se gardent bien de revenir Enedis et la CRE – demeure, à savoir que ce tour de passe-passe financier lié au financement du Linky permet à Enedis d’engranger une surmarge de 500 millions d’euros, comme le soulignait la Cour des comptes, il y a déjà 3 ans !
À l’époque, l’UFC-Que Choisir avait lancé une pétition, demandant de revoir les modalités de financement du compteur Linky, pour ne pas financer indûment Enedis, gestionnaire d’un réseau de distribution de l’électricité qui, pour rappel, constitue un bien public ! À l’époque, les pouvoirs publics avaient fait la sourde oreille à cette demande, pourtant partagée par près de 335 000 signataires. Dans un contexte plus que jamais inflationniste des factures d’électricité, je ne gagerais pas que les pouvoirs publics finissent par mettre fin à une situation parfaitement choquante, au-delà de déclarations relevant de la pure communication…
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Alain Bazot – Président de l’UFC – Que Choisir
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